Mots-clés : Environnement en général, Nethen
Selon les données de l'Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, notre Région perd chaque année près de 20 km21 de son territoire sous la pression de l'urbanisation et de l'artificialisation des sols. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de mieux valoriser le territoire en favorisant les pratiques assurant sa multifonctionnalité. Cet enjeu est l'objet d'une réflexion profonde de l'aménagement du territoire wallon mais il n'est pas traité sous l’angle de la spécialisation des espaces agricoles et forestiers. La réintégration de l'arbre dans le paysage agricole représente pourtant un enjeu majeur, à la fois pour l'agriculture et la forêt, l'environnement, les territoires et les paysages. Le développement de l'agroforesterie, soit de l'association sur une même parcelle d'arbres et de cultures ou/et d’arbres et d’élevage constitue l’une des réponses à cette problématique « territoriale », tout en confortant l’activité agricole par les bénéfices biologiques apportés.
L'implantation sur une même parcelle d'arbres et de cultures agricoles améliore la productivité des écosystèmes par le biais des relations entre ces deux " protagonistes " qui se mettent progressivement en place. La présence des cultures oblige les arbres à s'enraciner plus profondément. Or, les racines des arbres, plus profondes, rapportent en surface des éléments nécessaires aux cultures et assurent ainsi la régénération des sols. La présence d'arbres sur les parcelles permet également de limiter les phénomènes d'érosion et crée un micro-climat plus propice au développement de la végétation à la sortie de l’hiver. Les arbres favorisent aussi le développement de la microfaune vivant dans la terre, jouant aussi un rôle déterminant dans le fonctionnement biologique des sols.
Progressivement, avec la croissance des arbres, le bilan organique du sol s'améliorera et le recours aux divers engrais sera réduit. Les arbres offrent également nourriture et abri pour une foule d'insectes auxiliaires qui vont s'en prendre aux ravageurs des cultures, d'où un besoin moindre de recourir aux pesticides. Ces synergies sont très intéressantes du point de vue de la biodiversité, de la qualité de l'eau et des économies d'intrants pour l'agriculture. Et ce n’est pas tout ! Dans les parcelles agroforestières, la production de biomasse est plus importante que dans les parcelles " classiques " : les arbres se développent mieux et plus vite, les cultures aussi. Globalement 100 ha en agroforesterie produit autant que 120 ha répartis entre forêt et agriculture. A l'heure où la terre est de plus en plus sollicitée, l'enjeu devient prépondérant.
L’agroforesterie, dont la pratique est loin d’être récente, est aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt. Les projets expérimentaux n’ont jamais été aussi nombreux. Des agriculteurs se lancent ou sont tentés de le faire. Traditionnellement, les prairies entourées de peupliers ou de haies destinées à la production de bois de chauffage sont une forme, certes restrictive, d'agroforesterie. Le stade plus abouti passe par la « culture » d'alignement d'arbres dans les parcelles. Le stade expérimental est maintenant dépassé : un premier projet d'ampleur importante (15 ha) vient de se concrétiser en Brabant wallon.
Le recours à l’agroforesterie apparaît comme une solution très intéressante à l’heure où les rendements agricoles se stabilisent et où le prix des intrants, directement lié au cours du pétrole, ne cesse d’augmenter. C'est aussi une solution plus globale pour résoudre les problèmes liés à la pollution des eaux par les nitrates et les pesticides, l’érosion et la dégradation des sols.
La réglementation européenne relative au soutien agricole autorise l'agroforesterie et depuis quelques années, la Wallonie a également élargi son acception de ce qui constitue une parcelle agricole, incluant les haies et alignements d'arbres dans le calcul de ces surfaces. La réforme de la Politique Agricole Commune en cours devrait encore aller un peu plus loin pour donner un coup d’accélérateur au développement de projets agroforestiers.
Le statut des parcelles agroforestières a longtemps été flou - entre statut forestier ou statut agricole – rendant leur gestion assez complexe. Progressivement, la réglementation et son interprétation se sont orientées vers une reconnaissance du statut agricole de l’agroforesterie. Le calcul des surfaces agricoles ouvrant droit à des aides directes permet, à priori, d’inclure les surfaces plantées en agroforesterie. En France, les parcelles agroforestières sont intégralement admissibles aux droits à paiement unique et autres aides compensatoires jusqu’à une densité de 200 arbres à l’ha. De même, les investissements réalisés dans le cadre de projets agroforestiers y bénéficient de subventions allant jusqu'à 80% des dépenses éligibles.
Il reste en Wallonie une question fondamentale : celle du bail à ferme. Près de 2/3 des surfaces agricoles sont exploitées sous ce régime, complexifiant le développement de projets agroforestiers. La jurisprudence actuelle ne donne en effet pas suffisamment de garantie aux différentes parties. Mais le bail à ferme sera bientôt une compétence régionale et pourrait alors évoluer pour faciliter / autoriser le développement de projets agroforestiers, à l'initiative du bailleur ou du preneur. Il reste alors les questions fiscales à régler afin de sécuriser les investissements nécessaires de telles initiatives.
Pour en savoir plus sur le sujet :
Le bureau d’études français Agroof vient de réaliser un film documentaire de 16 mn sur les enjeux et perspectives de l’agroforesterie face aux défis environnementaux et économiques actuels. Ce film est accessible gratuitement sur le site internet d’Agroof.
La revue Agroforesteries, co-éditée par l’Association française d’agroforesterie (AFAF) et l’Association française des arbres et haies champêtres (AFAHC).