Mots-clés : Enquête publique, Aménagement du territoire, Urbanisme
Retrouvez ci-dessous l'analyse qui avait été faite en février 2009 de la précédente demande. Nombre des arguments repris sont doute encore valide pour le nouveau dossier.
Suite à une Demande de permis unique: Extension d'une exploitation agricole.
ETABLISSEMENTS CONTENANT DES INSTALLATIONS OU ACTIVITES CLASSEES EN VERTU DU DECRET DU 11 MARS 1999 RELATIF AU PERMIS D’ENVIRONNEMENT
Avis sur ce dossier
Le monde agricole est en profonde et rapide mutation : de plus en plus interconnecté et interdépendant des marchés mondiaux, le secteur agricole cherche à s’appuyer sur de nouvelles diversifications afin de pouvoir faire face à ces nouveaux défis. Le projet présenté à l’enquête publique s’inscrit dans cette volonté des acteurs du monde agricole de sauvegarder la pérennité de leur métier. Notre association ne peut que saluer ce dynamisme.
Nous sommes cependant à un moment crucial de notre époque. Deux grandes problématiques traversent nos sociétés : le changement climatique et la mondialisation. Si ces deux immenses défis ont bien entendu une dimension globale, ils s’inscrivent aussi nécessairement dans notre environnement immédiat et dans notre vie de tous les jours. C’est ainsi que nous devons prendre en compte au niveau local de notre commune l’empreinte globale de ces phénomènes. Notre commune a le pouvoir d’orienter clairement et fortement ses choix sur ces deux problématiques et de prendre les mesures qui s’imposent.
Au niveau agricole, notre association a toujours exprimé son attachement à des pratiques dites durables. Cette « durabilité » nous semble particulièrement importante dans le domaine de l’agriculture :
- au point de vue économique: l’activité agricole doit favoriser l'équité et une meilleure répartition des ressources. En l'occurrence, actuellement, elle doit permettre le maintien et la création d'emplois;
- au point de vue environnemental: elle ne peut porter atteinte aux ressources naturelles et doit assurer le maintien et la restauration de la biodiversité;
- au point de vue social: elle doit favoriser l'autonomie et la participation des groupes sociaux à la vie sociale et culturelle du tissu qui les entoure.
L'agriculture, et le développement de la filière élevage, doit s'inscrire dans ces objectifs. Comme activité liée intrinsèquement aux cycles naturels, dépendante du sol et de la ressource en eau, elle doit plus que toute autre, participer à une progression vers la « durabilité ».
Au point de vue socio-économique.
Dans le dossier tel que présenté, rien n’est dit sur les perspectives économiques et financières d’un tel projet. Construire deux hangars d’élevage de bovins dans la conjoncture actuelle (prix de la viande au plus bas, aliments de plus en plus chers, coûts vétérinaires,…), n’est-ce pas prendre un risque économique considérable, en contradiction réelle avec la volonté de l’agriculteur de se diversifier vers des activités plus rentables et plus ‘sûres’ ? Nous considérons que dans ce genre de projet un plan financier devrait être présenté de manière confidentielle aux autorités communales afin qu’elles puissent prendre en compte cette dimension financière dans l’aboutissement de leur réflexion.
Une autre dimension socio-économique importante est de voir si le projet déposé induit la création d’emplois. Même si on sait qu’en agriculture le nombre d’emploi est en constante diminution, rien n’est dit à ce propos dans le projet. Savoir si l’agriculteur a un successeur potentiel est aussi une chose importante à savoir, dans une optique de pérennité du projet.
Au point de vue environnemental.
De manière générale, il important de souligner qu’en agriculture, selon le GIEC (GIEC : Bilan 2007 des changements climatiques), la principale source de méthane (CH4) est la fermentation entérique des ruminants, c’est-à-dire la rumination. Les effluents d’élevage – lisiers et fumiers – produisent également du méthane. Les émissions de protoxyde d’azote et de méthane sont généralement exprimées en équivalent CO2, en calculant leur potentiel de réchauffement planétaire sur cent ans. Le protoxyde d’azote et le méthane ont un potentiel de réchauffement équivalent à respectivement 296 et 23 fois celui du CO2. Les émissions de protoxydes d’azote et de méthane par l’agriculture représentent, selon le GIEC, respectivement 2,8 et 3,3 gigatonnes équivalent CO2 par an, soit au total 12% des émissions dues aux activités humaines. De ce point de vue strictement environnemental, l’acceptation de ce genre de projet entre en totale contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique.
Il nous semble important également que les fermes de nos régions puissent tendre au maximum vers l’autonomie, et en particulier vers l’autonomie des approvisionnements. Il faut veiller à ce que, autant que possible, les aliments consommés par le bétail soit produit sur la ferme. Dans ce cas particulier, l’ampleur du projet nous en fait douter.
De manière plus spécifique au dossier déposé :
- Quelle va être l’impact direct sur la Liaison au Sol (LS) de l’augmentation à 350 bovins sur une ferme d’environs 50 ha ? Avec le cheptel actuel, la quantité d’azote épandable avoisine les 4 900 kg. Or la norme maximale de la ferme est de 8 688,7 kg/N (quantité d’azote épandable en région wallonne, zone vulnérable). Or le taux de liaison actuel est de 0,7 (0,56 en zone vulnérable). Passer de 120 à 350 bovins triplerait presque le cheptel. Quel sera alors de taux de liaison au sol ? Si, dans ce cas de figure, la LS dépasse l’unité, est-ce que l’agriculteur a déjà pris des contacts pour des contrats d’épandage (cf. Art 211§3 du PGDA) ? Questions dont aucune réponse ne se trouve dans le dossier. Or il est important de savoir si l’agriculteur se conforme aux prescriptions légales en matière de liaison au sol et de gestion de l’azote avant de donner un avis favorable.
Ce que nous proposons : Que l’agriculteur puisse fournir une simulation de ce que sera son taux de liaison au sol.
- Les deux silos et les nouveaux hangars se trouvent en léger contrebas par rapport aux bâtiments actuels et au système d’égouttage. Or la seule indication donnée pour la récolte des eaux de pluie des nouveaux bâtiments est donnée en référence E 5 sous la forme d’un raccordement à un système d’égout. Or ce point E 5, situé sur la parcelle 367d, se trouve en pleine pâture, loin de tout système de récolte des eaux, et en contrebas par rapport à la rue.
Ce que nous proposons : il nous semble que deux citernes de récupération d’eaux de pluie doivent être exigées : elles apparaissent d’ailleurs barrées sur un des plans de situation[1].
- Deux silos sont destinés au stockage de pulpes ou de maïs. Or ce genre de silos est fréquemment sujet à des écoulements de jus. Rien sur les plans proposés ne prévoit de récolter ces jus. Même chose pour les étables : il est prévu un nettoyage par voie humide, sans spécifier où vont se récolter ces jus d’écoulement.
Ce que nous proposons : il est important, du fait que l’on se trouve en fond de vallée, proche du cours d’eau, que des citernes adaptées à la récolte des jus d’écoulement soit exigées.
- Plus généralement, une lettre de la DGA datée du 9 décembre 2008 présente dans le dossier souligne l’absence de pièces relatives à la disposition de mesures de protection du sol et du sous-sol. Et nous ne trouvons pas de pièces convaincantes corrigeant cette remarque de la DGA.
Ce que nous proposons : un plan précis des différents réseaux de collecte, d’égouttage et de circulation des flux doit être ajouté au dossier.
- la capacité du puits est prévue pour 2 800 m³. Or si on compte environs 30 litres d’eau en moyenne par vaches par jour, on arrive pour un cheptel de 350 bovins à des besoins en eau sur un an de 4 000 m³.
Ce que nous proposons : une réévaluation de la capacité du nouveau puits, et ses conséquences.
- Rien dans le dossier ne fait état d’abattage d’arbres. Or quand on se rend sur place, il semblerait que le projet ne pourra se faire sans abattre quelques arbres (entre le hangar actuel et les nouveaux hangars).
Ce que nous proposons : le demandeur devrait fournir un inventaire précis des arbres à abattre. Un plan de replantation devrait être fourni également.
Au point de vue social.
Il est important de bien considérer dans ce genre de projet l’autonomie du demandeur par rapport à des filières de commercialisation. La dépendance du fermier vis-à-vis d’un seul partenaire en ce qui concerne à la fois ses approvisionnements et ses circuits de commercialisation nous paraît dangereux non seulement économiquement, mais aussi socialement en réduisant le statut de fermier inscrit dans son environnement proche à celui d’un simple sous-traitant de filière agro-alimentaires lointaines.
Il serait intéressant dans ce projet de voir quel sera le circuit de commercialisation.
Dans ce même contexte, il est important aussi de bien veiller à la bonne intégration du projet dans son tissu social villageois.
Conclusions.
Sans vouloir entraver la volonté d’entreprendre du demandeur, nous pensons qu’avant d’accorder le permis une série de point doivent être éclaircis :
1. La rentabilité financière d’un tel projet. L’activité agricole n’est pas une activité économique comme une autre : elle s’inscrit dans le tissu social et environnemental du village où elle exerce son activité. A l’inverse d’entreprises classiques, il nous semble que les autorités communales doivent pouvoir connaître la rentabilité financière d’un tel projet pour décider en toute connaissance de cause.
2. Une réflexion sur l’impact du projet sur le réchauffement climatique. Il est temps d’intégrer ce paramètre dans toute prise de décision au niveau communal et régional.
3. Des points importants concernant l’impact sur l’environnement : Taux de liaison au sol prévu dans le nouveau projet ; plan clair des réseaux de collecte et d’égouttage : réévaluation de la capacité du captage.
4. La réelle autonomie du demandeur dans sa filière de commercialisation et sa bonne intégration dans son environnement social villageois.
[1] Une capacité de récolte de 896.000 L à 2.160.000 L n’est pas négligeable et justifie des citernes de capacité suffisante.